Chapitre 10

ÇA SE COMPLIQUE

Le 6 mars 2018, c’est l’heure de vérité. J’ai beau bien maîtriser mes humeurs,

le pincement au cœur est inévitable. Je sens que le verdict va être
capital pour la suite de ma vie. Après avoir vérifié mon analyse de sang qui
confirme que mes reins fonctionnent bien et pourront facilement éliminer le
produit de contraste injecté, à 10 heures 30, une infirmière me branche une
perfusion. La dame en blanc tient la poche de « iomeron » et me conduit
comme si j’étais en laisse dans la salle du scanner. Je ne peux m’empêcher
de plaisanter sur ce rôle de toutou et lui demande si j’aurai droit à la gamelle
après la promenade. En réalité, je n’en mène pas large et le Médor n’a pas
la moindre envie de remuer la queue…
Première phase: la machine me parle.
« Gonflez vos poumons… Retenez votre respiration… vous pouvez
respirer »…
L’infirmière revient, ouvre le robinet de la perfusion (on dit qu’elle
« déclampe »), le liquide s’écoule dans la veine et quelques secondes plus
tard, je sens un curieux goût de metal dans ma bouche et une soudaine et
brève envie de faire pipi. Rien d’anormal, je suis maintenant habitué à la
procédure.
Deuxième phase:
« Gonflez vos poumons… Retenez votre respiration… vous pouvez
respirer »…
Et c’est fini… On me ramène dans un petit box où le tuyaux est ôté et je
peux partir au service de la Docteure Julie R…. qui me reçoit une demie-
heure plus tard. Elle est mi-figue-mi-raisin et je perçois tout de suite qu’il y a
un un grain de sable dans mes rouages.
D’abord rassurante, elle me dit que la lésion est parfaitement stable, sous
cloche, comme elle aime à le dire. Le scanner confirme bien la baisse du
marqueur CA 19-9.
Mais… Et oui, il y a un mais!
Mais le scanner a révélé la présence d’un ganglion « sous-claviculaire »
cancéreux. Deux cancers pour le prix d’un. Peter a un cousin!
Petit oui. Ennuyeux, encore plus. Car Julie me révèle que si on m’opérait du
pancréas, le ganglion « exploserait littéralement et ce serai le cancer
généralisé quasi assuré.
En bon français: je suis inopérable! Je prends un sale coup en pleine
gueule!
Julie enchaîne toutefois, la voix rassurante que rien n’est perdu et qu’elle va
mettre en place un plan B. Ce qu’une intervention chirurgicale ne peut pas
1faire, une radiothérapie va le faire.
Radiothérapie… Des rayons… J’en ai bien sûr entendu parler. J’ai entendu
bien des choses: des brûlures de la peau, des brûlures internes, des
organes détériorés sont des effets secondaires de ces traitement très
agressifs qui sont au demeurant souvent couronnés de succès. Mon
aimable oncologue estime que 25 séances seront nécessaires.
Et bien, on fera face. Je suis bien décidé à ne négliger aucune chance de
survivre le plus longtemps possible à mon crabe.
Pour cette phase de radiothérapie, comme on dit en justice, elle se désiste
de mon dossier et m’adresse à quelques dizaines de mètres dans le service
de la Docteure V…, spécialiste des rayons. Toutefois, les chimios doivent
continuer jusqu’au début des séances de rayons. Je ne perds donc pas
mon précieux repère qu’est Julie.
La Docteur V…m’accueille deux semaines plus tard et tout le protocole est
mis en route. Dans un premier temps, de nouveaux passages au scanner
permettent de cartographier mes entrailles au dixième de millimètres afin de
cibler avec la plus grande précision les lésions.
Je dis bien « les lésions » puisque le ganglion doit également être irradié.
Suis-je bouleversé par ce grave contretemps? Pas vraiment. Je me
demande même si je ne suis pas soulagé. Honnêtement, l’opération
m’inquiétait. Elle ne m’obsédait pas vraiment car je maîtrise bien mes
émotions. Je suis en tout cas quelque part satisfait de cette profonde
modification du programme.
Au cours des semaines suivantes mon moral n’est pas altéré. J’ai connu
des femmes atteintes d’un cancer du sein qui l’ont facilement vaincu grâce
aux rayons. Alors, pourquoi pas moi? En définitive, si les radiations brûlent
les cellules cancéreuses, c’est comme si on me les ôtait. « La radiothérapie,
c’est comme une opération, mais sans ouvrir », me dis-je avec de plus en
plus de conviction.
L’exploration minutieuse de mes organes permet aux soignants de… me
tatouer! Et oui, on grave sur mon abdomen des repères qui permettront par
la suite de pointer les rayons! « Ce qui est tatoué est à moué »… dis-je aux
infirmières qui se demandent à quel énergumène elles ont à faire.
Il n’empêche que je suis admiratif devant la technologie de ces machines à
rayons qui peuvent guérir…ou tuer si elles frappent à côté de la cible.
L’émetteur de rayons tourne autour de mon abdomen et, selon un savant
programme informatique modifie en permanence l’angle d’attaque pour
brûler les lésions par tous les côtés. Et ceci est réglé dans les trois
dimension: il faut carboniser les cellules malades sans porter atteinte aux
cellules saines qui sont sur le trajet! Encore un miracle de l’informatique…
Vingt-cinq séances sont prévues sur cinq semaines à raison d’une séance
2par jour du lundi au vendredi.
La première irradiation est prévue pour le lundi 16 avril.
En attendant, je ne lâche rien de ma vie « normale ».
Le jeudi qui précède, je me rends près de la Roche-sur-Yon où mon ami
Sébastien inaugure un somptueux établissement qu’il vient d’acheter.
Sébastien, c’est celui qui m’a souvent produit, notamment pour mon dernier
spectacle à la Palmyre. Inversement, j’ai souvent fait programmer ses
animations comme les taureaux mécaniques ou les structures gonflables
par les discothèques de mon groupement. Nos intérêts ont souvent été
imbriqués. J’éprouve aussi une profonde amitié pour André, son père, qui a
souvent sonorisé mes spectacles. De plus, avec Jacqueline, nous avons
passé avec avec eux une semaine mémorable au Maroc. C’était un des
derniers voyage de Jacqueline avant la détérioration de son état et sans
doute la dernière fois que je l’ai vue autant rire. C’est dire les liens qui nous
unissent!
Son nouveau joujou s’appelle « la Cabanière ». C’est immense. Outre deux
salles de restaurant de taille raisonnable, il y a une immense salle qui peut
servir jusqu’à 600 couverts. La vocation de cette structure est d’être festive,
notamment pour les mariages et autres fêtes privées ainsi que des
dimanches après-midi « guinguette » avec orchestre.
Il envisage également d’y produire des spectacle et ce n’est pas sans un
pincement au cœur que j’admire ce magnifique outil où, si ma santé l’avait
permis, j’aurais pu souvent présenter mon spectacle.
Ce sont mes amis Anne-Marie et Jean-Charles, toujours très présents qui
m’emmènent à ce baptême où se pressent tous les gens influents de cette
contrée économiquement très active.
En effet, le crabe m’a suffisamment épuisé pour m’interdire de conduire
pendant trois heures. De plus, les chimios qui passaient comme une lettre à
la poste (quand il n’y a pas de grève) commencent à être pesantes: troubles
digestifs, fatigue, troubles neurologiques de la sensibilité et même de
l’équilibre m’interdisent les grands trajets.
Le samedi, ce sont Salima et Joël qui viennent déjeuner à la maison. Des
amis merveilleux. Elle est d’origine algérienne, il est juif et ils forment un des
couples les plus harmonieux que je connaisse. Il est professeur de
sociologie à l’université, elle occupe un poste important dans le monde de la
culture au Conseil Départemental et les discussions avec eux sont
passionnantes. Ils n’ont pourtant rien de solennel. Ils ont beaucoup
d’humour, ce qui est un critère majeur dans le choix de mes amis.
Ils font partie de ce cercle rapproché qui me soutient dans ce début de
combat contre Peter.
Hélas, c’est dans cette même période que mon copain Serge, photographe
3baroudeur de génie, biker invétéré a la mauvaise idée de tomber de sa
chaise alors qu’il lit dans son jardin blayais: crise cardiaque. Aux obsèques
où je me rend avec Jacky Farrat, je me dis que je suis peut-être le prochain.
Passé un certain âge, si on a la chance d’être encore vivant et si l’on a
beaucoup d’amis, il faut s’attendre à en perdre beaucoup au bord du
chemin… Ce qui m’attriste tout en me renforçant dans cette volonté de tenir
le plus longtemps possible. Serge m’avait offert quelques semaines
auparavant un magnifique Dragon d’eau, un lézard arboricole asiatique.
Dans notre amitié, il y avait un lézard…un beau lézard.
Le lundi 16, je suis donc accueilli au centre de radiothérapie de Haut-
Lévêque. L’accueil est extrêmement cordial et je me sens en pleine
confiance.
L’équipement ressemble un peu à celui d’un scanner. Par contre tout est fait
pour que les séances soient agréables.
Je suis allongé sur un plateau et le plafond est fait un très grand caisson
lumineux orné de ciel bleu et de cocotiers. Quand je suis couché sur le dos
avec interdiction de bouger ne serait-ce qu’un poil, je me crois tout de suite
sur la plage des Raisins Verts à Saint-François, en Guadeloupe.
Il faut dire qu’une séance dure environ dix minutes avec immobilité absolue
et que le corps médical a compris avant moi que la sérénité est essentielle.
J’ai juste peur qu’une noix de coco me tombe sur la tête…
Au fil des séances, je sympathise avec les infirmières qui sont aux
manettes. Elles sont trois qui se relayent à raison de deux par jour. Je
prends l’habitude de leurs raconter quelques blagues pendant qu’elles
préparent la machinerie et le patient que je suis. On rit comme de vieux
complices. Elle sont un très bon public.
Pourtant, un jour, les deux infirmières qui me prennent en charge me sont
totalement inconnues. Je reste donc sur ma réserve et garde pour moi les
conneries au menu du jour.
Le lendemain, je retrouve mes habituées:

  • vous avez déçu nos collègues…
  • qu’est-ce que j’ai fait?
  • On leur avait dit que vous étiez un joyeux luron et il paraît que vous avez
    été sérieux comme un pape!
    Quand on est catalogué…
    Ces séances de radiothérapies se passent au mieux: pas une douleur, pas
    une brûlure apparente, pas plus de fatigue, et même plutôt moins, qu’avec
    la chimio. Ces séances ressemblent finalement à des vacances sous les
    tropiques.
    Il y a tout de même un revers à la médaille. Pour dix minutes de traitement,
    je dois me farcir cinq jours par semaine le trajet aller-retour Fours-Pessac
    4avec les bouchons qui vont avec. Ces voyages quotidiens sont fatigants et
    chronophages. Même si je collectionne les rayons, je ne viens toutefois pas
    à vélo…
    N’en déplaise au Cassandres qui aiment tant critiquer notre système de
    santé notamment sur les réseaux sociaux, comme pour tous les
    déplacements pour Haut-Lévêque je suis pris en charge par un VSL. Aux
    frais de la Sécu, je le précise avec reconnaissance.
    Quelquefois, et même assez souvent, la société d’ambulances est
    débordée et sous-traite les déplacements avec des taxis agréés.
    Parmi les chauffeurs qui me transportent, je fais la connaissance d’Akim qui
    est d’ailleurs un ancien ambulancier. Dès le premier voyage, le courant
    passe bien. Akim est cultivé, Akim a de l’humour, Akim est un humaniste.
    Nous nous entendons si bien qu’il est toujours volontaire pour m’acheminer
    et que je le suis toujours pour être son passager. C’est ainsi qu’Akim
    devient un vrai ami dont je suis très fier. Nos déplacement sont une partie
    de plaisir, nos discussions passionnantes et on se marre à chaque
    kilomètre parcouru.
    J’aurai perdu quelques cellules cancéreuses, mais j’ai gagné un ami.
    Cinq semaines plus tard, je fais mes adieux à mes infirmières avec qui j’ai
    passé de bons moments. Le traitement n’a laissé apparaître aucun effet
    secondaire et la pause dans les chimios m’a permis de récupérer une
    bonne partie de ma vitalité physique. Ma vitalité morale n’a, quant à elle,
    jamais été mise à mal.
    Je peux aborder l’été pratiquement normalement. J’ai un très bon appétit,
    j’ai commencé à reprendre du poids, bref je me sens bien.
    Les repas entre amis se succèdent, l’été arrive, les amis aussi. Danièle et
    Jacky, Jean-Charles et Anne-Marie, Dany et Bruno, Richard Zéboulon, Cyril
    Viguier, Bernard, Martine et Gilles, ma fille Séverine, son mari Josselin,
    Dorine et Manon, Alexis, Gérard Baud défilent à maison pour subir mes
    piètres talents de cuisinier ou, plus prudemment pour boire le verre de
    l’amitié et refaire le monde. A moins que ce soit moi leur invité. Le soleil
    brille autant dans ma tête que dans le ciel.
    Il me faut attendre près de deux mois pour savoir où j’en suis côté cancer.
    C’est le temps qu’il faut au traitement pour faire son effet.
    Début juin, Alexis m’emmène passer une belle journée à Biscarrosse. Marie
    et Philippe, connaissant ma passion pour l’aviation m’ont invité à passer la
    journée chez eux à l’occasion de la fête de l’hydravion qui se tient sur et au
    bord du lac légendaire rendu célèbre par Latécoère.
    Philippe est un baroudeur comme je les aime. Il a fait mille et une chose
    dans sa vie, y compris en créant un élevage de lapins blancs au Sénégal!
    Je l’ai connu alors qu’il dirigeait une agence de spectacles en Martinique et
    5en Guadeloupe. Il m’a produit sur de nombreuses représentations et
    l’accueil et ce couple a toujours été parfait. Par la suite, il a exercé à Miami
    avant de revenir en France où il s’est lancé dans les écrans géants pour les
    stades, villes et autres.
    Beau repas très joyeux en se remémorant des souvenirs drôles de nos
    tournées dans les Caraïbes et c’est sous un soleil éblouissant que nous
    nous rendons au bord du lac qui se trouve à quelques encablures de chez
    lui. L’après-midi est magique: démonstrations d’hydravions légendaires,
    Canadair, Jet russe contre les incendies… et le clou: le show de deux
    Rafales qui surgissent au-dessus du lac et nous offrent des chandelles
    aussi spectaculaires que bruyantes.
    Bref, vous l’avez compris, une période plus qu’heureuse en attendant le
    verdict du scanner programmé pour la fin juillet.
    Le 23 juillet pour être précis. Je suis confiant sans me forcer. Deux jours
    avant, j’ai droit à une prise de sang qui devrait déjà, à travers le fameux CA
    19-9 me donner un avant-goût de ce que révélera le scanner.
    FLASHBACK
    LA COUPE DE FRANCE SUR MON BUFFET
    Michel-Henri Ledoux édite le mensuel Bordeaux-Madame dont je suis le
    collaborateur. Je quitte Castelnau-Médoc pour m’installer rue Pelleport à
    Bordeaux afin d’économiser beaucoup de temps des trajet. Le choix de la
    maison ne doit rien au hasard: Jeff, l’ainé de mes neveux habite dans cette
    grande artère qui va de la place Nansouty à la gare Sain-Jean. Juste en
    face de chez lui, une belle « échoppe », comme on dit à Bordeaux, avec un
    étage et un petit jardin va être libérée par ses locataires. Je saute sur
    l’occasion et m’y installe. J’en deviendrai propriétaire en 1992. Habiter en
    face de chez Martine et Jeff est une des plus grandes chances de ma vie.
    D’une part, j’ai le bonheur d’avoir ce neveu qui est né quand j’avais huit ans
    et qui a toujours été pour moi comme un petit frère. D’autre part, l’un
    comme l’autre ont été, pour Jacqueline et moi un couple indispensable.
    Martine s’entend avec Jacqueline comme une sœur. Jacqueline, marquée
    par sa maladie neuro-dégénérative trouvera toujours en Martine un soutien
    total. Elle traversera la rue des milliers de fois, notamment lorsque je serai
    en déplacement. Jusqu’à ce que nous revendions la maison en 2014, sa
    présence sera essentielle à l’équilibre de Jacqueline. Quant à Jeff, il sait
    tout faire de ses mains. Moi, rien, sinon écrire ou tenir un micro. Une
    tuyauterie qui lâche? Jeff! Une porte qui coince? Jeff! Une tuile qui
    s’envole? Jeff! Martine et Jeff sont en fait la solution à tous les problèmes.
    Jacqueline aime beaucoup sa maison de Bordeaux grâce à eux. Hélas, les
    6chambres et la salle de bain se trouvent à l’étage et il devient de plus en
    plus difficile pour Jacqueline de monter les escaliers, même soutenue. Dès
    2010, nous comprenons que la maison sera très vite inadaptée. Nous
    n’avons que deux alternatives: entreprendre de coûteux travaux ou vendre
    la maison pour en acheter une autre. Je crois que Jacqueline n’aurait
    accepté que la première si Martine et Jeff n’avaient hérité d’une maison à la
    campagne et n’avaient décidé de déménager après que Jeff ait entièrement
    refait la futur nouvelle résidence. Sans eux, la vie citadine perdait tout
    intérêt, d’autant que la retraite de journaliste était en ligne de mire, rendant
    ma présence en ville superflue.
    En 1984, nous voici donc citoyens bordelais. Mon bureau se trouve au
    siège de Bordeaux-Madame et le domicile à quelques minutes, rue
    Pelleport.
    Cette époque est celle de l’explosion commerciale du Minitel avec le
    fameux et juteux 36 15. Avec Michel-Henri Lesoux, nous créons un site:
    « 36 15 Fluo » avec des infos en ligne et les fameuses messageries. Il
    convient ici de rappeler que les utilisateurs payent la connexion à la minute
    avec leur facture de téléphone. France-Télécom reverse ensuite sa part à
    l’exploitant du service. Il va de soi que j’utilise toute ma batterie de médias
    et les affichages sur les feux de circulation pour faire la promotion de Fluo.
    Une affaire extrêmement rentable dont ma part de bénéfice me permettra
    un peu plus tard de me faire plaisir en ouvrant un restaurant unique en
    France dont je reparlerai. Cette expérience de la télématique constitue mes
    premiers pas dans l’informatique. Je dispose d’un ordinateur qui n’a rien à
    voir avec les machines d’aujourd’hui. Pour rentrer les informations de Fluo
    sur le réseau, on utilise un Modem (modulateur-démodulateur) qui
    communique acrobatiquement avec le réseau par un système très
    capricieux appelé « transpac ». Rentable… mais nerveusement épuisant!
    Michel-Henri Ledoux a plus d’une corde à son arc. C’est un fonceur comme
    je les aime. Il devient ainsi le manager extra-sportif d’Alain Giresse. Dans
    les années 80, le très aimable Alain Giresse partage avec Michel Platini la
    gloire que connaîtront plus tard Zinédine Zidame ou aujourd’hui Mbappé. Le
    boulot de MHL consiste à gérer les droit d’Alain sur les revenus publicitaires
    hors du club des Girondins. Les sponsors se bousculent car l’image de Gigi
    est extrêmement porteuse. Bien vite, les deux compères rachèteront des
    magasins de sport (dont de serai bien sûr l’animateur), et même une usine
    d’articles de sport. C’est alors que, revenant de Paris en avion leur vient
    l’idée à 10 000 mètres d’altitde de créer des stages d’été de foot pour les
    ados. Des stages parrainés bien sûr par Gigi, mais avec le soutient de la
    plupart des joueurs des Girondins. Le populaire Gernot Rohr étant associé
    à Gigi. Dans ces années 80, l’équipe de Bordeaux constitue l’essentiel de
    7l’équipe de France. Le concept est donc extrêmement porteur. Pour les
    locaux, pas de soucis: la commune de Lège-Cap-Ferret dispose d’un
    collège par définition fermé l’été et le loyer versé pendant les deux mois
    d’été soulagent considérablement les finances locales même s’il faut
    quelques aménagements en particulier pour les équipement sanitaires, les
    salle de classe étant transformées en dortoirs.
    Pour équiper ces dortoirs, Alain Giresse mobilise ses copains pour une
    grosse campagne de publicité au profit de Conforama qui, en échange,
    procure lits et armoires en grand nombre.
    Deux ou trois ans auparavant, avec Cyril Viguier, le secrétaire de Sylvie
    Vartan, un fils de Jacki Clérico, patron du Moulin Rouge et un associé de la
    célèbre agence RSCG de Jacques Ségala et un autre que je préfère ne pas
    citer, nous avions mis sur pied un projet de festival de musique
    californienne sur la pointe du Cap-Ferret. Nous l’avions baptisé « Cap-
    Song » qui évoquait délicieusement le rêve américain? Le groupe
    « Eagles » avait déjà donné son accord pour être la locomotive de cet
    événement, les sponsors avaient donné leur accord de principe, le
    patronage de Paris-Match était assuré et nous en étions aux laborieuses
    réunions avec la préfecture et les collectivités locale pour l’aspect sécurité
    et organisation. L’affaire était très avancée lorsque l’un des associés que je
    n’ai pas nommé nous a trahi, a récupéré le dossier et s’en est allé seul le
    présenter … à Biarritz. Mal lui en a pris puisqu’il n’avait pas pu s’assurer les
    prestations des grands groupes prévus ni les participations attendues. Nous
    étions retombés sur nos pieds en faisant saisir ses recettes biarrotes pour
    rembourser les frais engagés dans la préparation. Mais notre Cap-Song
    était bien tombé à l’eau. C’est en me rappelant ce Cap-Song que je suggère
    à Alain Giresse, Gernot Rohr et Michel-Henri Ledoux de baptiser les stages
    de foot « Cap-Giresse ».
    Le point culminant de cette opération survient un dimanche avec l’ouverture
    exceptionnelle du « Confo » situé alors près de la place Stalingrad au bout
    du Pont de Pierre, côté rive droite. Le magasin est vaste, mais pas assez
    pour accueillir la foule qui se masse sur le parking. Autour du podium que
    j’anime, c’est la bousculade. Il est vrai que l’essentiel des effectifs des
    Girondins m’entoure et que les Girondins de cette époque, c’est la majorité
    de l’équipe de France. En cette décennie 80, les Girondins gagnent tout au
    niveau national: championnat et coupe. Nous multiplions parallèlement les
    opérations publicitaires pour faire la promotion des stages. Mon ami Yvon
    Khouan met à notre disposition sa semi-remorque bien équipée pour des
    opérations comme celle qui avait rassemblé une foule incroyable place
    Saint-Projet au cœur de la rue Sainte-Catherine à Bordeaux.
    « Notre » podium est aussi présent sur la foire internationale de Bordeaux
    8avec, chaque après-midi, la visite d’Alain Giresse et d’autres joueurs. Et
    puis, pendant les trois années qui suivent la victoire des Marines et blancs
    en Coupe de France, j’ai à ma disposition le Graal: la coupe elle-même.
    Pendant les dix jours de la Foire, Jacqueline et moi qui sommes
    responsables du podium détenons la sacro-sainte-sainte coupe en argent.
    Le soir, à la fermeture de la foire, nous rentrons à la maison avec l’objet de
    culte qui trône sur le buffet de notre maison rue Pelleport. Je dis bien
    « objet de culte » car la réaction du public face à ce mythique objet est
    inimaginable. A longueurs de journées, nous voyons des centaines de
    personnes tout intimidées qui nous supplient « Madame (ou Monsieur) est-
    ce que je peux la toucher? » Et ce ne sont pas des midinettes, mais
    souvent des personnalités!
    Pendant les stages, j’assure naturellement l’animation des soirées, les
    cérémonies d’accueil du lundi matin et celles de départ du samedi midi. Et
    comme je commence à bien maîtriser l’hypnose, un soir par semaine
    j’anime une soirée en présence de joueurs des Girondins et les achève par
    un spectacle. C’est ainsi que j’ai sans le savoir le privilège d’endormir la
    plupart la plupart des futures stars du foot français qui, encore adolescents,
    sont de fidèles stagiaires.
    Un soir, Bernard Lacombe est là et il a amené son fils Sébastien qui a une
    douzaine d’années. J’endors le fiston et le programme pour qu’à son réveil,
    il ne reconnaisse pas son père. La tête de l’adorable Bernard lorsque son
    propre fils ne sait pas qui il est! Bernard, si tu me lis, je t’embrasse et…
    sans rancune!
    Au bout de quelques années, se produit une scission entre Alain Giresse et
    Gernot Rohr. Je suis pris entre deux feux et, bien qu’en restant en excellent
    termes avec le premier, je continue à animer des soirées pour la nouvelle
    structure baptisée « Cap Girondins » qui occupe encore quelques années le
    collège de Lège -Cap-Ferret.
    Je n’ai jamais été un passionné de football, mais j’ai énormément aimé ses
    coulisses et les joueurs qui appréciaient chez moi le fait que je leur parle de
    tout… sauf de foot. Je crois que j’étais pour eux quelqu’un de reposant…
    Un peu plus tard, Gernot Rohr me renverra joliment l’ascenseur, mais j’y
    reviendrai.
    Autre découverte en ces années 80, en 86 pour être précis, avec mon
    copain Claude Soulet, nous affrétons une voiture joliment customisée pour
    faire partie de la caravane du Tour de France. Une aventure que laissera de
    formidables souvenirs. Vivre le Tour de l’intérieur, c’est une aventure
    fabuleuse. Imaginez une population de plusieurs milliers de personne qui se
    déplace de ville en ville avec une organisation exceptionnelle. Cette
    immersion est un bonheur absolu.
    9Quand j’étais gamin, mon père m’emmenait toujours voir passer le Tour de
    France. J’étais bien sûr émerveillé par la caravane et en particulier par les
    motard de Cinzano, par le passage (trop rapide) des coureurs et par
    l’ambiance qui régnait.
    Vu de l’intérieur, c’est encore plus flamboyant: les cris de la foule ne durent
    pas les quelques secondes du passage, mais pendant toutes les heures de
    l’étape. Des dizaines de milliers de personnes agglutinées sur les routes, la
    fièvre palpable qui agite ce cordons quasi-ininterrompu des spectateurs
    provoquent des sensations indescriptibles. Et puis, chaque soir je suis
    devant la ligne d’arrivée, une autre fièvre. L’inimaginable récupération de
    coureurs qui arrivent à bout de souffle et qui, dix minutes plus tard
    répondent décontractés aux interview sans le moindre essoufflement…
    Sur les étapes, je côtoie les invités du jour ou permanents: Antoine
    Blondin,Lino Ventura et beaucoup d’autres. Le soir, dans les hôtels, nous
    sommes les témoins de la vie des coureurs dans les odeurs de camphre, le
    fourmillement des masseurs, médecins, soigneurs, mécaniciens, chauffeurs
    et directeurs sportifs. Chaque soir, le villes-étapes proposent aussi des
    spectacles et la fête se poursuit tard dans la nuit.
    Mon seul regret est que mes multiples activités m’obligent à sauter des
    étapes. Mais que de souvenirs emmagasinés à vie!
    J’ai aussi le plaisir de me lier d’amitié avec le Docteur François Bellocq,
    médecin du sport à Talence. A son cabinet je croise les plus grands
    champions mondiaux. Il est un adepte du rééquilibrage hormonal, seul
    moyen selon sa thèse d’éviter le dopage « traditionnel ». Nous
    envisageons même d’écrire ensemble un livre sur le sujet. Le temps me
    manquera pour aller au bout du projet, mais je possède toujours de
    nombreuses cassettes d’entretiens enregistrées avec lui. Finalement, ce
    livre sera publié avec succès en 1991 sous la plume de Serge Bressan.